jeudi 6 décembre 2012

CENDRILLON ... Maison des Arts Créteil ****~

400e représentation pour Cendrillon de Maguy Marin présentée par les danseurs exceptionnels du Ballet de l’Opéra de Lyon, qui depuis sa création en 1985 l’auront fait voyager partout dans le monde. À cette époque, le choc est total face à ce conte de fée transfiguré par l’une des chorégraphes les plus aventureuses de sa génération. Avec Maguy Marin, le ballet le plus connu du répertoire devient une oeuvre satirique dérangeante où le grotesque va remettre en question la lecture classique de Cendrillon et lui donner une dimension sociale. Masqués, grimés, les danseurs sont devenus des poupées géantes engoncées dans l’épaisseur de leur habit. La musique de Prokofiev accompagne alors une Cendrillon rebelle qui ne veut plus subir. Une autre manière de revenir à l’alpha et l’oméga de la chorégraphe : faire naître un art fécond mais toujours indiscipliné. En 1990, le CCN de Créteil était créé, il confirmait une longue collaboration de Maguy Marin avec la Maison des Arts de Créteil. Y retrouver la chorégraphe en 2012 avec cette pièce emblématique sera un intense moment de partage.

Le ballet a vu le jour en 1985 pour l’Opéra de Lyon . Il est devenu emblématique de la Compagnie, de formation classique, qui s’est ensuite orientée vers de la danse contemporaine. Maguy Marin a su allier avec subtilité, tendresse et intelligence le mélange de ces deux danses.





La mise en scène est particulièrement théâtrale : le ballet débute dans les pièces sombres du rez-de-chaussée d’une maison de poupée en coupe. Les costumes des danseurs sont rembourrés donnant un effet de poupées de chiffon et leurs visages sont cachés par un masque révélant, par des expressions accentuées, le caractère du personnage. Nous sommes dès lors plongés dans un univers de poupées et de pantins cruels. 



Bien que très théâtral, la chorégraphe n’en oublie pas pour autant l’expression des corps. Certes, les mouvements sont saccadés, désarticultés, volontairement peu habiles, mais la grâce et la sensualité de la danse en général y transparaît malgré tout. Les premiers pas de danse de Cendrillon dans ses nouveau chaussons sont maladroits. Les bras crispés, les jambes droites, telle une toute jeune ballerine essayant pour la première fois ses pointes. La performance des danseurs prend alors une toute autre dimension : c’est l’expression toute entière de son corps qui transmet alors les émotions et le caractère de ces personnages étranges.



Ce choix de chorégraphie amène le spectateur a éprouver des sensations paradoxales, entre un monde intime, innocent et enfantin (le pas de deux de Cendrillon et du prince pendant le bal est tout simplement sublime) et la cruauté adulte et humaine. Un univers qui nous semble étrange mais qui n’est pourtant pas éloigné de celui que l’on connaît. C’est finalement un ballet touchant d’humanisme qui nous renvoie à notre nature humaine sur fond d’un conte historique.

L’Opéra de Lyon résume parfaitement en une phrase mon ressenti sur cette oeuvre surprenante : « Maguy Marin et sa décoratrice Montserrat Casanova ne détruisent pas le merveilleux, mais lui donnent la profondeur mélancolique de l’innocence perdue ».




Les photographies sont de Michel Cavalca.