Maxence Rey interroge les émotions et fantasmes qui sourdent sous la peau de trois femmes, les étreignent et les confrontent.
Elle expose et met en scène trois femmes dans leur singularité, laissant éclater leur violence intérieure au travers de leur peau. Elles vont ainsi évoluer totalement nues, mettant en avant durant presque une heure leur pudeur, faisant parler leur chair, disséquant consciemment ou inconsciemment les émotions et sentiments qui les animent dans le partage. La nudité renforce leur expressivité mais aussi leur fragilité. Tout est crûment dit, sans détours mais aussi et surtout sans vulgarité. Trois femmes rendues anonymes par une perruque noire, les traits de leurs visages effacés par une « seconde peau », obligeant leur corps seul à parler. Des corps sculptés par les lumières tantôt feutrées, tantôt violentes de Cyril Leclerc, mettant certes en valeur leurs attitudes sculpturales - on pense par moments à certaines œuvres de Camille Claudel - mais aussi et surtout les pulsions sourdes qui les animent et qui reflètent tantôt leur féminité, leur générosité, leur tendresse intrinsèque, leur amour et leur respect pour l’autre, tantôt leur animalité profonde, instinctive, tantôt les vicissitudes de l’existence, reflets fidèles du monde implacable qui nous entoure. L’instant le plus poignant se situe sans nul doute à la fin de l’œuvre, au moment où les trois protagonistes, debout à l’avant-scène, immobiles face aux spectateurs, les scrutent à visage découvert, générant un effet miroir, les contraignant à baisser le regard, comme pour les provoquer, les obliger à se sentir concernés, les culpabiliser : leurs traits expriment par instants la joie, le bonheur et l’émerveillement devant la complexité infinie des corps mais aussi et surtout la fatalité, la douleur, la peur, le désespoir, comme si ce public en portait l’entière responsabilité. Une première ébauche de l’œuvre, qui avait été présentée en janvier 2012, laissait présager de la force incommensurable de la pièce achevée. Nous n’avons pas été déçus : ce "cri" révèle en effet une chorégraphe engagée qui ne « mâche » pas ses gestes, qui ose dire crûment et sans détours ce qu’elle pense et avec laquelle il faudra donc désormais compter.
J.M. Gourreau, Critiphotodanse
Photos J.M. Gourreau
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