mardi 23 avril 2013

LE PRIX MARTIN ... Théâtre de l'Odéon Paris ****~

Eugène Labiche
Mise en scène Peter Stein


avec Jean-Damilen Barbin Pionceux, Rosa Bursztein, Julien Campani, Pedro Casablanc, Christine Citti, Manon Combes, Laurent Stocker et Jacques Weber Ferdinand


Le Prix Martin, avant-dernière grande œuvre de Labiche, fait partie des pièces qu’il écrivit our être représentées sur la scène de la Comédie-Française. La première eut lieu cependant au Palais-Royal. Cette pièce n’a aucune des caractéristiques du vaudeville, on serait tenté de la considérer comme une comédie bourgeoise, une comédie de moeurs. Le thème central, comment pourrait-il en aller autrement, ce sont les relations sexuelles, représentées à propos de trois couples, dont c’est l’unique et exclusive occupation : un couple de débutants en voyage de noces qui s’y adonnent durant trois actes sans interruption, ensuite une femme et un homme d’âge mûr, expérimentés en la matière et susceptibles de passer à l’acte avec impétuosité, et enfin deux hommes, deux amis qui sont sexuellement en retraite et qui voudraient enfin être tranquilles. Un dernier accès de jalousie qui menaçait de séparer les deux amis sera bien vite éteint et en jouant constamment au bésigue, jeu de cartes qu’ils affectionnent, ils trouveront le moyen de passer le temps jusqu’à la mort. Un serviteur, qui initie une habitante des Alpes suisses aux nouveautés du sexe parisien, tient le rôle d’une sorte de pièce ou de moment satyrique.
Une étrange mélancolie flotte au-dessus de cette comédie dont le dialogue amusant et vif glisse rarement dans la banalité et offre aux comédiens l’espace qui leur permet de donner la mesure de leur talent. Ne dirait-on pas qu’une certaine sagesse se dégage de cette pièce : le sentiment d’un adieu, d'un tiraillement, d’une déchirure intérieure de ces personnages dans et malgré le comique.
Peut-être est-ce cela qui a conduit Flaubert à porter sur cette pièce un jugement si favorable lors de sa création en 1876.

Peter Stein

Bravo pour les décors qui nous emportent autant que la pièce et les comédiens. Mention spéciale à Jean Damien Barbin, vraiment excellent ! La critique est mitigée ? eh bien moi j'ai passé un excellent moment de théâtre et la mise en scène n'est pas plate du tout, na !

Deux vieux amis jouent au bésigue, un jeu de cartes. L'un est marié, l'autre pas ; mais le célibataire couche avec la femme du premier. A vrai dire, il s'en passerait bien... Le choix de cette pièce, qui n'est pas la meilleure de Labiche, marque un peu un manque d'ambition de la part d'un maître de la mise en scène comme Peter Stein. On attendait donc de voir. Certes, l'adoption d'un rythme lent fait planer sur la scène une mélancolie et une étrangeté non conventionnelles. Mais la distribution est pour le moins inégale. Seuls Jacques Weber, en gigantesque bourgeois bedonnant, et Laurent Stocker, en petit monsieur imbu de sa personne, forment un couple improbable et hilarant. Ils se situent à l'endroit juste, là où derrière la mécanique comique théâtrale se joue la folie humaine. Quand les comédiens ne jouent que la mécanique de Labiche, fût-elle de précision, le spectacle reste plat. TELERAMA




... et toujours le plaisir de venir dans ce beau théâtre ... et ce quartier magnifique où il ferait bon vivre, n'est-ce pas Kareen ?

samedi 13 avril 2013

SOUS MA PEAU ... La Briqueterie - Vitry *****



Maxence Rey interroge les émotions et fantasmes qui sourdent sous la peau de trois femmes, les étreignent et les confrontent.

Elle expose et met en scène trois femmes dans leur singularité, laissant éclater leur violence intérieure au travers de leur peau. Elles vont ainsi évoluer totalement nues, mettant en avant durant presque une heure leur pudeur, faisant parler leur chair, disséquant consciemment ou inconsciemment les émotions et sentiments qui les animent dans le partage. La nudité renforce leur expressivité mais aussi leur fragilité. Tout est crûment dit, sans détours mais aussi et surtout sans vulgarité. Trois femmes rendues anonymes par une perruque noire, les traits de leurs visages effacés par une « seconde peau », obligeant leur corps seul à parler. Des corps sculptés par les lumières tantôt feutrées, tantôt violentes de Cyril Leclerc, mettant certes en valeur leurs attitudes sculpturales - on pense par moments à certaines œuvres de Camille Claudel - mais aussi et surtout les pulsions sourdes qui les animent et qui reflètent tantôt leur féminité, leur générosité, leur tendresse intrinsèque, leur amour et leur respect pour l’autre, tantôt leur animalité profonde, instinctive, tantôt les vicissitudes de l’existence, reflets fidèles du monde implacable qui nous entoure. L’instant le plus poignant se situe sans nul doute à la fin de l’œuvre, au moment où les trois protagonistes, debout à l’avant-scène, immobiles face aux spectateurs, les scrutent à visage découvert, générant un effet miroir, les contraignant à baisser le regard, comme pour les provoquer, les obliger à se sentir concernés, les culpabiliser : leurs traits expriment par instants la joie, le bonheur et l’émerveillement devant la complexité infinie des corps mais aussi et surtout la fatalité, la douleur, la peur, le désespoir, comme si ce public en portait l’entière responsabilité. Une première ébauche de l’œuvre, qui avait été présentée en janvier 2012, laissait présager de la force incommensurable de la pièce achevée. Nous n’avons pas été déçus : ce "cri" révèle en effet une chorégraphe engagée qui ne « mâche » pas ses gestes, qui ose dire crûment et sans détours ce qu’elle pense et avec laquelle il faudra donc désormais compter.

J.M. Gourreau,
Critiphotodanse



      
Photos J.M. Gourreau


vendredi 5 avril 2013

SOLNESS LE CONSTRUCTEUR ... Théâtre de la Colline ***~~



Solness, un homme d’une cinquantaine d’années, construit des “foyers pour les hommes”après avoir été un constructeur d’églises. Mais, alors que sa réussite et sa renommée sont désormais solidement établies, il est rongé par la peur que la jeunesse “frappe à sa porte” et lui demande de céder sa place. La pièce s’ouvre et s’achèvera sur une question centrale, et pour Solness et pour Ibsen, tous deux bâtisseurs d’oeuvres: Quelle est la valeur de ce qui a été construit ? Cela méritait-il qu’on lui sacrifie tout le reste ?

Une pièce d'Ibsen comme je les aime avec la trilogie de l'homme piégé par lui-même, la femme soumise qui pourrait s'en sortir mais trop tard, la femme libre ...

Au moment de l’écriture de Solness le constructeur, en 1892, Ibsen est un artiste âgé, mondialement reconnu, qui, après plus de vingt ans d’exil, vient de rentrer définitivement en Norvège où il est accueilli en héros national tout en étant violemment critiqué par une nouvelle génération d’artistes qui veulent imposer d’autres formes dramatiques.
Le retour géographique n’est certainement pas exempt d’un retour sur soi dont la pièce se fait intensément l’écho (...)




Appui principal de Solness dans sa prise de conscience tardive, le personnage de Hilde est porté par une comédienne lumineuse, aussi éthérée que physique. Adeline d’Hermy est à la fois la fille de dix ans que Solness a embrassée à l’inauguration d’une de ses constructions, que la femme impitoyable qui réclame son du. L’enfant ressuscitée et la maîtresse malvenue. Elle semble avoir saisi toutes les facettes du magnifique personnage d’Ibsen et s’en empare à bras le corps – aucune réplique inexplorée, aucun geste superflu. Ses collègues s’effacent presque devant elle et lui laissent une place dont elle ne gâche pas le moindre recoin. (...)



Partie de ce qui est convenu d’appeler « les douze dernières pièces d’Ibsen », Solness le constructeur est un texte dans lequel on retrouve nombre de thématiques développées dans le reste du cycle : le bouleversement de l’ordre du monde, le couple malheureux, le couple impossible, la mort de l’enfant, le poids du passé, l’ultime ascension et l’échec. (...)


Solness le constructeur

du 23 mars au 25 avril Paris, à La Colline Théâtre de l’Europe


de Henrik Ibsen
texte français Michel Vittoz
mise en scène Alain Françon

avec Gérard Chaillou Docteur Herdal, Adrien Gamba-Gontard Ragnar Brovik, fils de Knut Brovik, Adeline D’Hermy de la Comédie-Française, Hilde Wangel, Agathe L’Huillier Kaja Fosli, Michel Robin Knut Brovik, Dominique Valadié Aline Solness, femme de Halvard Solness et Wladimir Yordanoff Halvard Solness