vendredi 14 juin 2013

LE MISANTHROPE ... Théâtre de l'Odéon Paris ****~




























D’ordinaire, Alceste est irritable. Aujourd’hui, il est irrité. Quand le rideau se lève sur sa querelle avec Philinte, mieux vaudrait peut-être le baisser tout de suite : quelque chose ou quelqu’un ne tourne plus très rond… Ce Misanthrope selon Sivadier est d’abord une mise en crise, du théâtre non moins que de la société. Que se passe-t-il ? Bien sûr, Alceste a des soucis : un procès mal engagé, et surtout une affaire de coeur qu’il prend très au sérieux. Mais aujourd’hui, entre lui et le monde, Célimène doit trancher, qu’elle le veuille ou non. Au fait, le veut-elle ?... Alceste peut d'abord être vu comme un malade, affligé à son insu d'un excès de bile noire : sa misanthropie s'expliquerait d'abord par sa mélancolie. Mais la critique qu’il adresse à l'humanité entière n'est pas qu'un symptôme. Comment les hommes peuvent-ils s'abaisser à tant de dissimulation pour s'intégrer à des groupes où règne la seule loi de l'intérêt ?

Sivadier aime l’énergie sombre et "l’étrangeté de cette pièce très politique justement parce qu’elle a l’air de s’en tenir à la sphère privée”. Il aime aussi les contradictions d’un héros où il voit "une part de chacun d’entre nous", éternellement en guerre contre notre autre part : le très sociable Philinte, accommodant au risque de la compromission…

Nicolas Bouchaud s’est fait depuis quelques saisons une spécialité de ces grands rôles éruptifs, passionnés et puissants, qui nous livrent à travers leurs
courses folles ou leurs explosions sur place quelques aperçus sur nos vérités multiplees. Jean-François Sivadier et son interprète de prédilection se retrouvent avec d’autres compagnons, dont Norah Krief, Vincent Guédon et Cyril Bothorel, pour attaquer ensemble – une fois encore à l’Odéon – une nouvelle étape de leur périple théâtral.

*** Dans un décor qui hésite entre chaos recouvert de poussière et fastes de Versailles, Jean-François Sivadier redonne de la vie, de la violence et une formidable énergie à la pièce de Molière. Le débat, qui débute dès la première scène entre Philinte (Vincent Guédon) et Alceste (Nicolas Bouchaud), nous renvoie à des préoccupations très actuelles : composer avec le siècle ou se draper dans sa solitude. L'énergie de Nicolas Bouchaud, sa rage, sa détermination en font un homme très en colère, qui a sans cesse envie d'en découdre avec son époque. Célimène, loin de la coquette conventionnelle, fait une chipie batailleuse qui ne s'en laisse pas conter. Les entrées d'Arsinoé en carrosse (Christelle Tual), la théâtralité exacerbée dans le jeu et la diction des alexandrins, tout tourne en dérision la convention théâtrale pour mieux faire entendre le noyau dur de la pièce.
*** Sylviane Bernard-Gresh TELERAMA


Le Misanthrope
de Molière mise en scène Jean-François Sivadier

avec Cyril Bothorel, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon, Anne-Lise Heimburger, Norah Krief, Christophe Ratandra, Christèle Tual

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